Article de Stéphane Bénézant, avocat associé et Guillaume Casal, avocat (Granrut) publié dans la revue Lexis Nexis – Droit des sociétés [Réservée aux abonnés]
L’observation de la pratique en matière de transmission d’entreprises montre que les conventions de garantie d’actif et de passif (GAP) occupent aujourd’hui une place prépondérante dans la vie des affaires. Or, paradoxalement, ces conventions sont très mal maîtrisées et la jurisprudence, abondante en la matière, est souvent confuse voire contradictoire.
Il est toutefois possible de dégager certains principes directeurs ayant pour objectif de garantir l’efficacité de ces conventions lorsque leur mise en œuvre est sollicitée, efficacité qui dépendra essentiellement du type d’opération envisagée et de la position respective des parties.
Ainsi, nous évoquerons ci-après quelques principes devant gouverner la rédaction des clauses relatives à l’information du garant, à l’indemnisation du bénéficiaire et au règlement des litiges.
1. Comment éviter la déchéance des droits à remboursement du bénéficiaire dans le cadre des clauses relatives à l’information du garant ?
Même si certains arrêts semblent désormais plus favorables aux bénéficiaires (CA Rouen, 3ème ch., 3 avril 2008, n°06/2877 ; CA Paris, ch. 5-8, 9 avril 2013, n°12/00631), la jurisprudence relative au respect des délais d’information mentionnés dans les GAP est historiquement plutôt sévère vis-à-vis d’eux. Est ainsi fréquemment retenue la déchéance des droits à remboursement du bénéficiaire en cas de non-respect des délais contractuels de réclamation, y compris dans les hypothèses suivantes :
- absence de stipulation expresse de la déchéance comme sanction du non-respect des délais (Cass. Com., 28 mars 2006, n° 04-15.762 ; Cass. Com., 9 juin 2009, n°08-17.843) ;
- lorsque la réclamation porte sur une déclaration inexacte faite de mauvaise foi par le garant (Cass. Com., 15 mars 2011, n°09-13.299) ;
- absence de préjudice ou grief pour le garant à raison du non-respect du délai (Cass. Com., 15 mars 2011, n°09-13.299).
Par conséquent, si l’on se trouve côté bénéficiaire, il conviendra selon nous de privilégier les orientations suivantes lors de la négociation des clauses relatives aux délais d’information du garant :
- un délai de notification plus long que les 30 jours usuellement retenus qui laissent peu de marge en pratique ;
- une stipulation expresse, déterminante du consentement de l’acquéreur ou de l’investisseur, selon laquelle le non-respect des délais de notification n’emportera pas déchéance des droits à indemnisation (sauf éventuellement si le garant subit un préjudice résultant du non-respect des délais).
2. Quelle rédaction privilégier pour les clauses traitant des conditions d’indemnisation ?
Si l’on se place côté bénéficiaire, il conviendra d’éviter de conditionner le droit à indemnisation à une « décision de justice au fond devenue définitive ». En effet, cela peut potentiellement signifier plusieurs années de procédure. Il sera ainsi plus judicieux de privilégier une rédaction faisant référence à une « décision de justice » ou à tout le moins une « décision de justice exécutoire », ce qui inclut les ordonnances de référés et les jugements assortis de l’exécution provisoire.
A contrario, si l’on se place côté garant, il conviendra bien entendu de conditionner le droit à indemnisation du bénéficiaire à l’obtention d’une « décision de justice au fond devenue définitive ».
3. Comment sécuriser la mise en jeu des GAP en cas de litiges ?
Les clauses attributives de juridiction au profit des juridictions consulaires doivent selon nous être privilégiées et ce, dans l’intérêt du garant et du bénéficiaire. Ces juridictions, notamment celles de Paris et Nanterre, sont effectivement rompues aux contentieux de mise en jeu des GAP, et le coût de telles procédures est relativement faible.
Toutefois, l’arbitrage pourra dans certains cas être privilégié, notamment (i) lorsque la GAP aura été consentie dans le cadre d’une transaction internationale, ou (ii) pour des raisons de confidentialité et/ou de rapidité.
Retrouver l’article Garantie de passif : comment prévenir certaines difficultés de mise en jeu ? dans la revue Droit des sociétés n°1 (Janvier 2016) de Lexis Nexis [Accès réservé aux abonnés].